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SI PAUL BIYA M’APPELLE JE PARS. ET ALORS?

On en fait des tonnes et des caisses de flon- flon sur une phrase du candidat à l’élection présidentielle Akere Muna parue sur la une du journal La Nouvelle Expression: 《 si Biya m’appelle, je pars》. Et c’est une aubaine pour que tous les clichés l’incriminant et les oukases des suppôts du régime tombent sur lui. C’est un rituel au Cameroun de discréditer tout prétendant à la magistrature suprême en lui attribuant des liens salement incestueux et les postes tarifiés avec le régime Biya. Akere Muna, internationalement reconnu sur l’étiquette de  » Monsieur propre » aurait- il l’étroitesse d’esprit d’aller se salir les mains dans les poubelles du gouvernement criminogène de Biya où chaque ministre est maculé de boue et traîné dans les sables mouvants des détournements en ce moment précis ? Akere Muna aurait- il la folie d’abandonner ses confortables sièges de PCA d’ Ecobank, consultant du FMI, BAD Banque Mondiale pour aller chercher un boulot de chapadeur de trousses publiques ou de pickpocket des poches de Paul Biya?

En fait, la déclaration d’Akere Muna a été tronquée et détournée à des dessins inavouables. Dans son interview accordée au journal précité , l’ancien bâtonnier de l’ordre des avocats déclare:《BIYA est un président de la République, il est une institution (…)Je ne vois pas pourquoi si on m’appelle aujourd’hui et on me dit qu’on va me confier un dossier d’État je n’irai. Je suis avocat. J’ai sauvé la vente de l’ambassade à Londres. Personne n’en parle. Si je n’avais pas fait ce que j’ai fait, on aurait vendu celà aux enchères. Oui, l’État m’a confié le dossier. Mais je l’ai fait pour qui ? Pour le pays, pour vos enfants, nos enfants à nous tous et pour la postérité》. S’il faut trouver des connivences problématiques politiques et économiques parce qu’on a représenté son pays ou parlé avec Biya, dans ce cas, il faut s’amputer de tous les bras et cerveaux du Cameroun où Paul Biya est le seul maître à bord depuis 36 ans: les ministres, c’est lui. Les gouverneurs, préfets, sous-préfets et chefs de village, c’est lui. L’armée et la police, c’est lui. Les ambassadeurs et consuls, c’est lui. La fonction publique , les sociétés publiques, para-publiques et privées, c’est lui. Les hôpitaux, écoles, ponts, routes, c’est lui. Les Lions Indomptables et tous les stades, c’est encore lui. Le Sénat, l’Assemblée nationale, la Justice, rien que pour lui. Le financement de l’opposition, c’est toujours lui. Les médias et la société civile, c’est encore lui, lui et lui. Pourquoi Akere Muna n’irait  donc pas voir  » le père de la nation  » qui nous donne tous  la vie, nous doit la vie, nous tue la vie, pour lui dire: 《 papa, pars en paix, on te demande juste de nous rendre les clés de ton Cameroun pour t’aider un peu 》?

Répondre à une invitation d’un chef d’État ou servir son pays sont -ils interdits ou considérés comme des actes de mendicité ? Après avoir été maintenu 27 ans en prison par le régime d’apartheid, Nelson Mandela n’a pas refusé d’aller négocier avec son ennemi, le président Frederic De Clerk, qui avait envoyé le chercher en prison. Mandela était arrivé dans le bureau présidentiel en décembre 1989 en cachette, durant la nuit, en passant par le sous-sol du garage. C’est cette nuit- là qu’ils avaient signé des accords pour sa libération et celle de tous les prisonniers politiques pour le 2 février 1990. Au Kenya, l’opposant emblématique Raila Odinga qui a refusé de reconnaître la victoire du président Uhuru Kenyatta, vient de le rencontrer et les deux ont signé un accord le 9 mars 2018 pour mettre un terme aux violences qui ont déjà fait plus de 100 morts. En Guinée, le chef de file de l’opposition Cellou Dalein Diallo a accepté de se rendre au palais Sékoutouréya, rencontrer le président Alpha Condé. Après avoir discuté en tête à tête en pleine nuit du 2 avril 2018, ils ont décidé en commun de trouver des solutions pour sortir de la crise post-électorale qui a déjà fait plusieurs victimes. Au Togo, le dictateur Faure Gnassingbe vient de baisser les armes pour négocier avec la coalition des 14 partis de l’opposition.

Mais ce n’est qu’ en Afrique centrale en général, et au Cameroun en particulier où Paul Biya, dans ses attributs de dieu sur terre, guide éclairé de la nation, drapé et cloîtré dans son palais blindé, décide seul sans consulter ni l’opposition, ni la société civile, encore moins les syndicats. Au lieu du dialogue avec les personnalités crédibles, Paul Biya préfère faire des deals mafieux avec des galériens sous la casquette d’opposants, qu’il recrute dans son gouvernement de gangsters et va-t-en-guerre . Et voilà la guerre civile installée dans les régions anglophones. Akere Muna lui, dans le préambule de sa déclaration de candidature à l’élection présidentielle, a pris la trajectoire du rassemblement et de l’apaisement en précisant: 《 Je ne suis pas dans l’opposition, mais dans la proposition 》. Son mouvement Now est une fusion de diverses opinions forces vives de la nation , un trait d’union pour la réconciliation , une fondation pour la construction de  » la Nouvelle République « .

Les temps ont changé. De nouveaux concepts politiques sont nés. Les nouveaux dirigeants ne sont plus des monarques encrassés dans les racines altérées d’un parti-État au risque de tomber comme Mugabe ou de s’enfuir au dernier moment sans regarder derrière tels les Mobutu Compaoré et Ben Ali. Akere Muna ne négocie pas un poste qu’il n’a jamais accepté depuis 1982 qu’il est rentré s’installer au Cameroun . Il veut une transition pacifique et est prêt à discuter avec Paul Biya pour son départ à la retraite dans la dignité et le respect des traditions africaines. Ensuite, il pourrait parfois l’inviter au palais à la manière d’Emmanuel Macron qui a invité ses prédécesseurs Nicolas Sarkozy et François Hollande déjeuner avec lui à l’Élysée, avant d’aller rendre ensemble un hommage à Simone Veil aux Invalides, puis à Nice le 14 juillet 2017, lors de la commémoration des attentats. Aux États-Unis, Barack Obama, Bill Clinton, George W Bush, George Bush Junior et Jimmy Carter, tous anciens présidents aux partis et idées souvent opposés, ont toujours dialogué et sont allés ensemble dans un concert caritatif en fin octobre 2017.

Mais pour Biya et ses partisans, le Cameroun est leur propriété privée. Tous les autres candidats sont des mendiants qui veulent des postes et doivent être emprisonnés, discrédités ou même tués. Les manifestants sont des  » apprentis-sorciers » qu’il faut éliminer . Les sécessionnistes sont des terroristes qu’il faut tous zigouiller . Les journalistes et activistes sont des destabilisateurs qu’il faut aller tuer à l’étranger. Les fédéralistes sont des fascistes qu’il faut rapidement exterminer pour préserver l’unité du pays . Comme le disait Mao- Tse-Toung dans son célèbre ouvrage  » la guerre prolongée « : 《 la politique est une guerre sans effusion de sang et la guerre, une politique sanglante 》.

J.RÉMY NGONO

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