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MÉFAITS DE LA GUERRE ET BIENFAITS DU DIALOGUE INCLUSIF AU CAMEROUN

«La crise anglophone » doit donner à chaque Camerounais soucieux de vivre dans un pays en paix qui protège l’égalité des chances pour tous, l’occasion de méditer sur les vertus du dialogue. Ce n’est pas facile d’être un leader d’opposition au Cameroun. Et je dois l’avouer qu’il faut beaucoup de qualités d’esprit et de patience pour inspirer d’abord le respect et ensuite la confiance d’un segment de la population camerounaise.

Ce n’est un secret pour personne, qu’avec un interlocuteur comme Biya, champion de la pensée unique, il convient, pour éviter des ennuis, de ne soulever aucune objection à son « Cameroun uni et indivisible » dans un pays qui a actuellement volé en éclats à cause de cette intransigeance et cette surenchère politique. Faire semblant d’adhérer à l’opinion la moins étayée, relève tout simplement de l’hypocrisie. La paix n’est jamais garantie par la pensée unique. Il devient par conséquent très égoïste d’échapper  à nos responsabilités intellectuelles sur « la crise anglophone qui menace la stabilité du Cameroun. Chaque Camerounais qui a été formé dans les valeurs républicaines doit avoir le courage de ses idées. Il n’apportera la réfutation que de manière fondée, quand cela est utile. En s’abstenant de le faire, il n’enrichit ni le dialogue, ni le vivre ensemble et encore moins l’avènement d’un Cameroun prospère dont aspire la majorité des Camerounais.

Ce n’est donc pas croiser le fer que de porter la parole contradictoire. Dans chaque conflit, les deux interlocuteurs gagnent dans l’échange. L’attitude à observer est de garder le calme, d’être à l’écoute de l’autre avant d’opiner. Dans l’entreprise du dialogue, il faut du courage, de la souplesse et du respect. Courage pour soutenir, sans hargne ni passion, une idée; souplesse pour ne pas rejeter, d’un revers de main, un point de vue juste, et le respect, en se disant qu’on tire toujours bénéfice de l’autre. Au besoin, y apporter des nuances. L’essentiel est l’ouverture qui indique que l’on soit prêt à accepter un éclairage, à recevoir une lumière. Les gens qui s’enferment font du dogmatisme, la moindre tentative de dialogue avec eux dévoile leur fanatisme. L’électricité est toujours dans l’air.

Or, en tant que Camerounais, je suis de ceux qui croient en un Cameroun fédéral où l’Anglophone et le Francophone vivront ensemble en harmonie sans que l’un ne domine l’autre dans un rapport d’égalité de chance pour tous. Et si la société devenait apaisée en nous battant courageusement pour ramener nos « frères ambazoniens » à la maison, n’y aurait-il pas un effet d’entraînement dans le sens d’échanges moins heurtés, moins vifs, de prises de parole moins virulentes? Car, après tout, il n’est pas dit que, dans toutes les occasions, l’échange doive tourner à l’empoignade ou à la guerre. Le lieu de débat n’est pas une foire d’empoigne et d’assassinats de ceux qui ne partagent pas notre position. La forme de l’État ne peut être figée. C’est un contrat social qui doit être basé sur le consensus. Plus que jamais, est vivement encouragée la venue d’une société de débat au Cameroun au lieu de combat. Ça sera donc une évolution notable.

J’ai vécu dans la très grande amertume l’arrestation, puis la libération et enfin la déportation de mon frère Patrice Nganang  hors du pays où est enterré son nombril ombilical. Ce pays qui l’a vu naître, où il a fait toutes ses études primaires et universitaires, où il est rentré même  bâtir une école par amour pour son pays. Mais, on l’a expulsé sous ordre d’un président machiavélique qui prône pourtant « le vivre ensemble » et un « Cameroun uni et indivisible »! Ce mépris du droit du sol a radicalisé cet intellectuel courageux et intègre qui a osé nous exposer le danger de la « guerre dans les régions anglophones » du Cameroun. Son seul crime a été de défier publiquement la thèse des autorités de Yaoundé prêtes à sanctifier la forme d’un « État unitaire » qui ne fait pas l’unanimité au sein de l’opinion nationale et internationale. Patrice Nganang est ainsi devenu « Ambazonien », cette nouvelle république qu’il rêve vivre autonome et côte à côte avec Le Cameroun Oriental, en majorité constitué de « Francophones »!

La position de Patrice Nganang est une position que je respecte, d’abord pour sa franchise, suite à tous les déboires qu’il a vécus de la main des autorités camerounaises. Je saisis l’occasion pour lui présenter mes excuses pour toutes les persécutions qu’il a vécues dans son pays, notre pays. J’invite par la même occasion toute la classe politique camerounaise de songer à présenter leurs excuses à tous nos compatriotes qui ont reçu les nationalités des pays où ils travaillent pour tout le chantage de nationalité dont ils sont victimes de la part des autorités de Yaoundé. Ça fait un an que Richard Bona a perdu sa mère au Cameroun, et n’a pu organiser des funérailles pour celle qui l’a fait venir au monde dans son propre pays, à cause des persécutions de la part du régime de Yaoundé.

Je n’ai jamais cessé de croire aux vertus du dialogue que prône le Dr. Adamou Ndam Njoya de l’Union Démocratique du peuple Camerounais. Je veux rappeler en passant qu’il est dans la scène politique camerounaise l’unique leader politique avec qui j’ai gardé les relations de père en fils. J’ai pu apprécier la candeur de sa vision que je respecte, exactement comme je le fais pour d’autres compatriotes sur l’avenir du Cameroun.

Le Cameroun est à la croisé de chemins. Comme en 1991, nous sommes revenus à la case du départ. D’un côté, nous avons le pouvoir en place que dirige le président Paul Biya, lancé dans une guerre sans merci contre les séparatistes qui sont décidés à créer leur État. De l’autre, nous avons l’opposition déjà en campagne pour les présidentielles non officiellement déclarées. Quelle est donc la priorité au Cameroun? Le dialogue national inclusif pour ramener la paix? La guerre pour venir à bout des séparatistes? Ou les élections présidentielles?

Le Président National de L’UDC place sa priorité dans la résolution de la « crise anglophone » à travers « un dialogue inclusif » qu’il souhaite de tous ses vœux pour ramener toutes les parties en conflit à s’asseoir autour d’une table pour faire la paix des braves et trouver des solutions définitives de manière consensuelle. C’est donc sa conviction que les Camerounais dans leur ensemble,  doivent pouvoir se servir du passé pour comprendre le présent, et mieux préparer l’avenir. Il nous indique que l’histoire politique du Cameroun, notre pays, dans ses temps forts, démontre que le dialogue a toujours été la voie salutaire pour trouver les solutions aux défis majeurs qui se posent à la nation. La réconciliation nationale en cette période charnière est une condition préalable avant toute élection majeure. Autant de blessures cumulées ne peuvent continuer à être ignorées si nous aspirons à continuer à vivre ensemble. Ainsi, c’est par le dialogue que les pères fondateurs du Cameroun ont en 1961, courageusement réussi à sceller le vivre ensemble entre des deux entités qui restaient du Kamerun allemand laissé par les colons allemands et de donner ainsi naissance à la République Fédérale du Cameroun avec deux États fédérés. C’est encore par ce même dialogue républicain, que le pays a été sauvé du spectre de la guerre civile qui devenait quasiment inévitable après près d’un an des villes mortes durant les années de braises, de commandement opérationnel, d’état d’urgences etc. C’est dans cet esprit du dialogue que la rencontre Tripartite a eu le mérite d’anéantir la violence pour ramener la paix et la sérénité et doter le pays d’instruments et d’institutions devant asseoir et protéger la démocratie et le vivre ensemble. C’est ainsi que nous avons pu avoir la constitution de 1996 qui n’a malheureusement pas été appliquée entièrement. Si la décentralisation avait été mise sur pied, nous n’en serions pas à une menace de sécession.

Aujourd’hui donc, face aux nombreux défis sécuritaires et unitaires qui se posent, le gouvernement fait malheureusement la courte mémoire et l’amnésie, donnant au passage l’impression de croire uniquement aux arguments de la force des armes contre les vertus du dialogue. Or, les dégâts inqualifiables et les traumatismes énormes que traversent nos compatriotes d’expression anglaise, ainsi que nos soldats déployés dans ces régions, démontrent à perfection l’inefficacité de la solution militaire. On ne peut résoudre un problème politique avec une solution militaire.

On comprend ainsi la décision du Dr Adamou NDAM NJOYA, Président National de l’UDC, de commémorer en novembre 2017 à Yaoundé et à Douala, l’anniversaire de la rencontre Tripartite qui s’était achevée le 13 novembre 1991 au Palais des Congrès de Yaoundé. Or, la CRTV , comme dans ses habitudes,  a refusé de couvrir cet événement historique qui aurait servi de rampe pour réfléchir des solutions permanentes à la crise anglophone. Il n’y avait pas plus forte manière d’attirer l’attention du Président de la République sur l’urgence et la nécessité de convoquer le dialogue inclusif national tant conseillé par toute la classe politique de l’opposition camerounaise, la société civile, l’église Catholique, les ONG et les pays amis du Cameroun ,,comme voie incontournable pour trouver les solutions idoines à la crise anglophone, sauver l’unité nationale , ramener la paix, le calme et la sérénité dans le pays.

Comme le relevait le Dr Adamou NDAM NJOYA dans son discours lors de cette commémoration de l’anniversaire de la tripartite: « l’un des problèmes de gouvernance dans notre pays, c’est qu’il s’illustre comme un pays des Rendez-vous manqués ». On a manqué le rendez-vous de 1958, qui devait nous permettre comme le sollicitait l’UPC, de réunir le pays avant d’accéder à l’indépendance. On a manqué le rendez-vous de 1961, en foulant aux pieds les accords de Foumban qui n’ont pas été respectés par la suite. On a également raté le rendez-vous de 1991 en faisant voler en éclats les accords historiques de la tripartite. On a raté pas mal de rendez-vous; tout cela par des calculs politiciens visant à privilégier les intérêts personnels et partisans au détriment de l’intérêt général de notre république.

Nous vouci en 2018, une année délicate dans la vie de notre pays. Sommes -nous encore entrain de préparer de rater ce rendez-vous? Au moment où la communauté internationale a braqué ses radars sur le crise anglophone, le temps n’est -il pas enfin venu pour négocier avec tact et patriotisme le défi de la résolution pacifique et consensuelle de la crise anglophone et celui de l’organisation des élections libres, justes, fiables et transparentes ?

Si on se permet encore de rater ce rendez-vous, cela risque d’être à n’en point douter, une occasion manquée de trop, et aucun citoyen normal ne peut souhaiter cela. Heureux les Artisans de la Paix, car ils seront appelés fils de Dieu. C’est la parole biblique. Il est grand temps que nous nous asseyons pour œuvrer pour le Cameroun par tous et pour tous. Un pour tous, tous pour un, et ce n’est que de cette façon que nous arriverons à réconcilier les Camerounais avec leur pays et leur histoire. Le dialogue est l’unique voix légitime qui apaisera les esprits. C’est en réalité un défi que nous devons relever avec courage et abnégation. Un seul décès dans ce conflit sera un décès de trop. Les Camerounais aspirent à la paix et notre classe politique doit travailler à créer un climat d’apaisement qui rende possible la réconciliation de tous les Camerounais sans exclusive avec les idéaux républicains.

Laziz Nchare.

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