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VÉRITÉS ET MENSONGES SUR LA CHARTE DE L’IMPÉRIALISME

Par Africa Museum

Depuis quelque temps, il circule sur les réseaux sociaux une « Charte de l’impérialisme ». Si l’on en croit certains auteurs et internautes, l’AfricaMuseum disposerait de ce document « confidentiel ». Il s’agit toutefois d’un faux.

La charte aurait été établie à Washington à l’époque de l’esclavage. Lors de la conférence de Berlin en 1885, les puissances occidentales l’auraient négocié en toute discrétion. Après les Première et Seconde Guerres mondiales, ils auraient de nouveau discuté de ce document. Dans cette charte, les pays occidentaux se seraient engagés « à exploiter les pays pauvres et à massacrer leurs habitants ». Ils auraient également décidé que « leurs dirigeants ne peuvent être poursuivis pour tous les crimes qu’ils commettent dans le monde entier ».

Le document suscite toutefois bon nombre de questions. Il est anonyme : on n’en connaît ni les auteurs ni l’origine exacte. Il n’est pas original : seules des copies en ont été diffusées. Une charte est un document officiel qui n’a en principe de valeur juridique que lorsqu’il est signé par une ou plusieurs personnes ; ce n’est pas le cas.

De plus, la charte aurait fait l’objet de négociations répétées et à divers endroits. Il devrait donc exister des variantes du texte original dans les archives des pays et institutions concernés, or il n’en est rien. Aucun historien professionnel n’a jamais mentionné le document. Il est en outre surprenant qu’un document supposé établi à l’époque de l’esclavage ne surgisse qu’au 21e siècle…

Le contenu du document pose problème également. Il contient nombre d’invraisemblances, d’anachronismes et de constructions de phrases inhabituelles dans un langage protocolaire, diplomatique. Quelques exemples : la notion de « tiers-monde », qui figure à plusieurs reprises dans le texte, n’a été introduite qu’en 1952 par le démographe et économiste français Albert Sauvy ; le concept de « génocide », qui figure également dans le texte, n’a été utilisé pour la première fois qu’en 1943, par l’avocat polonais Raphael Lemkin ; et les termes « aide économique au développement », « armes de destruction massive » et « leaders » n’ont pas été utilisés avant la seconde moitié du 20e siècle. De plus, il se dégage de cette charte une vision généralisée, voire simpliste qui semble émaner d’une hostilité radicale, vengeresse, à l’égard de « l’Occident ». Son objectif demeure nébuleux.

Ce document, que certains utilisent pour semer le trouble auprès des personnes mal informées, est donc un faux et relève des « fake news ». Il rejoint les théories du complot et est fondé sur d’autres documents fictifs, tels que les Protocoles des Sages de Sion, un faux antisémite bien connu du début du 20e siècle. Il n’est d’ailleurs pas le seul faux concernant le début du colonialisme à circuler sur internet. Ainsi, on y trouve depuis quelques années un texte similaire intitulé Discours du Roi Léopold II à l’arrivée des premiers missionnaires au Congo en 1883.

Il est donc totalement impensable que l’AfricaMuseum puisse posséder un tel document. Aucun inventaire n’en fait mention. Les archives historiques conservées au musée peuvent être consultées en ligne.

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