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L’ÉPOPÉE D’UN MÉCANICIEN DEVENU GRAND ÉCRIVAIN

Connu de tous les anciens, Camara Laye a bercé nos soirées de lectures (pour ceux qui en avaient) au collège et bien avant abondant dans nos dictées à l’école primaire.

Camara Laye, né le 1er janvier 1928 à Kouroussa, un village de Haute-Guinée, et mort le 4 février 1980 à Dakar, est un écrivain guinéen d’expression française. Son père, Komady, est forgeron ainsi qu’orfèvre et sa mère est la petite-fille d’un forgeron.

Né le 1er janvier 1928 à Kouroussa, Camara Laye fut toujours très entouré durant son enfance, que ce soit des apprentis de son père ou de ses frères. Comme tout enfant guinéen, il passe par l’inévitable épreuve d’initiation de la circoncision. Cet évènement avait lieu dans une atmosphère festive. Bien qu’excité, Camara Laye était anxieux en tant que futur circoncis : « Ne dansions-nous que pour oublier ce que nous redoutions ? ». Après avoir passé ce rite d’initiation, il a le sentiment d’être un homme. Après la période de convalescence due à sa circoncision, il rentre chez lui et découvre que sa propre case est désormais séparée de celle de sa mère. Bien que triste, il éprouve la satisfaction d’être un homme, d’avoir « l’âge de la raison ».

À quinze ans, Camara Laye quitte sa famille pour Conakry, pour des études d’enseignement technique à l’école Georges-Poiret. Il y est accueilli par l’un de ses oncles qui lui offre un foyer dans lequel, après une année d’adaptation difficile, il se sent à l’aise. Ses années loin de la maison de ses parents marquent le début de son émancipation réelle en tant qu’homme.

Après l’obtention de son CAP de mécanicien, Laye convainc ses parents de le laisser aller en France pour y poursuivre ses études.

Après l’obtention d’une bourse d’étude grâce à ses excellents résultats, il part pour la France où il étudie à l’École centrale d’ingénierie automobile à Argenteuil. Il y obtient un certificat de mécanicien. Après l’expiration de sa bourse, il se prend lui-même en charge en faisant de petits boulots à l’usine automobile Simca puis dans les transports en commun de Paris (RATP) et enfin à la Compagnie des compteurs de Montrouge. Il continue ses études, le soir, au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM) et au Collège technique de l’aéronautique et de construction automobile. C’est à cette époque qu’il écrit L’Enfant noir.

Camara Laye raconte:

« Le roman « L’enfant noir » ? Eh bien, c’est par nostalgie que je l’ai écrit. J’étais à Paris pour des études au Centre École d’Argenteuil. En même temps que je finissais, nanti de mon diplôme, je réussissais l’examen d’entrée à une école supérieure. Mais chose inattendue, en ce moment même, mon pays suspendait la bourse d’étude qui m’avait été allouée, au motif que le diplôme acquis était largement suffisant. J’ai alors décidé de poursuivre mes études par mes propres moyens. Je souffrais beaucoup à l’époque. Et pour noyer ma souffrance, il fallait que je m’accroche à quelque chose.

J’ai donc commencé par écrire, non pas pour publier, mais pour moi-même, pour soigner ma douleur. Chaque soir, j’écrivais mes souvenirs d’enfance. Ma chambre d’hôtel avait une lampe qui abandonnait la lumière comme un regret. Il m’arrivait alors de pleurer en écrivant certaines scènes de mon enfance et il me fallait tout arrêter. L’émotion était trop forte.

Un jour, j’ai parlé de ces souvenirs à un ami français lecteur à la maison d’édition Plon. Il m’a recommandé de lire Gustave Flaubert « l’éducation sentimentale » pour y puiser de l’inspiration. Tout de suite, j’ai senti chez Flaubert, un style simple, un style qui me plaisait : un sujet, un verbe et un complément.

J’ai essayé de faire comme Flaubert tout en apportant ma touche spéciale à ce style. J’ai opté pour un style où je pleure quand je veux faire pleurer mes lecteurs et où je ris quand je veux faire rire mes lecteurs. Quand je ne ressens rien, mon lectorat ne ressent rien. C’est ainsi qu’est né l’enfant noir, de la pure nostalgie.”

Sa façon de décrire son style d’écriture colle parfaitement à ce que j’ai toujours voulu faire. Être vrai, simple, émotionnel. Sans fioritures, sans pédantisme, sans grandiloquence. Je veux que les gens aient l’impression de discuter avec moi quand ils me lisent. Il n’y a que comme ça qu’ils se sentiront happés par ce que j’écris. »

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