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PAUL BIYA ENVOIE SAMUEL ETO’O AU FRONT DE LA GUERRE ANGLOPHONE

Alors que le Conseil de sécurité de l’ONU a déjà pris des résolutions pour la crise humanitaire qui sévit dans les deux régions anglophones, et que toutes les missions du Premier ministre et membres du gouvernement ont chopé le cafard et sont rentrés en fuyant  le crachin et les crépitements des armes, Paul Biya fait appel au footballeur Samuel Eto’o pour aller exorciser les démons de la guerre.

Hier mardi, Samuel Eto’o a été reçu au cabinet civil de la présidence de la République du Cameroun  pour son intronisation comme  » ambassadeur de la paix ». Le chauffeur du directeur adjoint du cabinet civil, a d’ailleurs posté une photo avec l’international camerounais. Samuel Eto’o se rendra bientôt dans les régions du Nord-ouest et du Sud-ouest sous la funeste étiquette d’ambassadeur de Paul Biya pour la paix, avec pour mission de parler aux badauds et  convaincre les bandes armées de l’État imaginaire d’Ambazonie de déposer les armes.

On a déjà vu des footballeurs jouer sur le terrain de la charité et de la réconciliation nationale, et non aller fricotter avec un commando de militaires auteurs de lynchages et de carnages sous les alibis patriotiques. Dans quelle tenue se présentera  Samuel Eto’o devant ses interlocuteurs ? Avec le maillot des Lions Indomptables? Le pagne du parti au pouvoir? La tenue de combat de l’armée camerounaise? Avec qui parlera-t-il? Les sécessionnistes  ou les fédéralistes? Va-t-il dialoguer avec les sécessionnistes alors que le régime Biya n’a fait que dire qu’il ne dialoguera jamais avec les terroristes?

Le conflit en région anglophone est politique et diplomatique et non footballistique. Le régime Biya a court-circuité tous les systèmes de régulation, a grillé ou emprisonné tous les intermédiaires de la négociation, et confie à présent une mission surhumaine à un joueur de ballon, vierge d’expérience politique, au milieu des docteurs Frankeinstein du régime, des bourrins en uniformes , et des monstres qui surgissent des bosquets avec machettes, lances, armes de chasse et des roquettes.

Depuis le début de cette guerre, Paul Biya, prétendu chef des Armées, est resté cloîtré dans son bunker présidentiel à Yaoundé. Et c’est Samuel Eto’o qui n’a jamais suivi une formation militaire qu’il envoie comme son ambassadeur au front. Et le pichichi accepte son nouveau transfert dans le club qui ne remporte que les trophées de morts.

Le 1er avril dernier, pour  un poisson d’avril lui attribuant des ambitions politiques, Samuel Eto’o avait menacé de porter plainte contre Jeune Afrique et France 24. Il avait fait publier un démenti musclé: 《 Ce canular est malfaisant aussi bien sur la forme que sur le fond(… )Plus grave, les auteurs de cette farce évoquent pour la railler la crise anglophone. Une situation qui cause au quotidien la désolation et le deuil dans mon pays》. Et voilà donc Samuel Eto’o, quelques mois après, qui enfile ses crampons, pour aller jouer sur les terrains de la en crise anglophone, là où crépitent les balles qui entrent dans le corps sans gilet et laissent de gros  trous tels  les filets des buts. Là-bas, Éto’o ne marquera jamais un but, mais risque d’être buté. N’a-t-il pas regardé la vidéo du gouverneur qui tremblait comme un paludéen quand les rebelles anglophones ont attaqué son convoi? N’a-t-on pas informé Samuel Eto’o qu’au moment où il était reçu hier au palais présidentiel, un commissaire de police venait d’être enlevé?

《j’estime que les propos attribués à ma modeste personne sous le couvert d’une supposée farce sont absolument réducteurs et dénotent un manque de respect total de la part de leurs auteurs qui prentendraient qu’en 2017 j’aurais déclaré « avoir toujours rêvé de faire la politique » en precisant que « le moment tant attendu est enfin là 》, avait ajouté Samuel Eto’o. Le moment d’entrer en politique par une crise politique qui dépasse les hommes politiques est arrivé pour Samuel Eto’o. Comme le disait Paul Valéry en 1931: 《 La politique fut d’abord l’art d’empêcher les gens de se mêler de ce qui les regarde. Maintenant, on y adjoint l’art de contraindre les gens à se mêler de ce qu’ils ne comprennent pas》.

J. RÉMY NGONO

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