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NANA AKUFO ADDO CHARGÉ DE METTRE EN PLACE UNE BANQUE CENTRALE AFRICAINE

Malgré l’annonce de la fin du franc CFA et la mise en place de l’éco dans certains pays de l’Afrique de l’Ouest, le projet de la monnaie unique du continent africain, n’est pas mort ou remis dans les tiroirs de l’oubli. Et avant la monnaie unique, il faut une banque centrale africaine.

Le chef de l’État ghanéen aura la lourde charge d’impulser la création d’institutions financières panafricaines avant fin 2020. Celles-ci seront dépendantes de l’Union africaine (UA). La mission, qui lui a été allouée lors du 33e sommet ordinaire de l’organisation en février à Addis-Abeba, consistait à accélérer la mise sur pied de la Banque centrale africaine (ACB), du Fonds monétaire africain (AMF), de la Banque africaine d’investissement (AIB) et de la Pan-African Stock Exchange.

Des institutions dont la création a été prévue par le traité d’Abuja adopté en 1991, et l’article 19 de l’Acte constitutif de l’Union africaine, adopté en 2000. Pour le président ghanéen, la mise en place de ces institutions est « essentielle pour une meilleure mobilisation des ressources sur le continent ». Elle stimulera le secteur financier du continent, a-t-il affirmé depuis la capitale éthiopienne. À l’assemblée, il a présenté son plan d’action, en trois axes:

Premier impératif : travailler avec les pays hôtes – le Cameroun pour l’AMF, le Nigeria pour l’ACB et la Libye pour l’AIB – afin d’accélérer les signatures et ratifications des pays du continent au projet, au nombre de 26 aujourd’hui. Nana Akufo-Addo avait  proposé ensuite l’élaboration d’une politique commune entre les pays et l’UA, permettant la mise en œuvre d’une Banque centrale africaine et d’une monnaie unique. Enfin, le chef de l’État ghanéen  garantit toujours  son implication dans les travaux de l’UA et de l’Association africaine des bourses (ASEA), en vue de la création de la Pan-African Stock Exchange.

Avec le dirigeant ghanéen, l’UA s’est choisi un pilote qui peut se targuer d’avoir plusieurs atouts en main. Le cédi, la monnaie nationale, vient tout juste d’être annoncé comme la devise la plus puissante du monde en 2020, devant le dollar américain. D’après une étude de l’agence américaine Bloomberg, le cédi du Ghana s’est en effet renforcé de 3,9 %. Soit la plus forte hausse des 140 monnaies étudiées. La baisse de la demande de devises étrangères des importateurs ghanéens à la suite de l’épidémie de coronavirus et l’émission de 3 milliards d’euros d’euro-obligations font partie des facteurs qui ont propulsé le cédi en tête du classement.

Si Nana Akufo-Ado part avec un solide avantage, la tâche n’en sera pas moins ardue. En effet, les obstacles à la concrétisation de son plan sont nombreux. « Les monnaies africaines se caractérisent par leur volatilité, un manque important de liquidités et un statut rarement négocié sur le marché financier mondial, ce qui rend les échanges entre pays africains difficiles », avait déploré le président, tout en rappelant que « lors du 3e comité technique de l’Union africaine sur les finances, les affaires monétaires, la planification économique et l’intégration économiques, qui s’est tenu au Cameroun en mars 2019, des inquiétudes ont été exprimées quant à la lenteur de la signature et de la ratification des instruments juridiques des quatre institutions financières ».

Des difficultés soulignées aussi par Alassane Ouattara, présent également au sommet. Pour le président ivoirien, cité par le site d’information Actualité Ivoire, « la faiblesse de nos systèmes statistiques et la faible mobilisation des ressources financières » entre autres, entravent le développement des infrastructures économiques africaines. La Côte d’Ivoire et sept autres pays se sont précipités sur l’éco.

Les institutions financières panafricaines constituent pourtant un des projets phares de l’Agenda 2063 de l’UA, qui avait prévu des délais bien précis quant à leur lancement. L’AIB ainsi que la Pan-African Stock Exchange devaient, par exemple, voir le jour en 2016. Le Fonds monétaire africain, en 2018. Malheureusement…

Avec la désignation du président ghanéen, l’UA souhaite donc apporter un nouveau souffle à ces projets. Si l’organisation panafricaine y tient tant, c’est que ces institutions continentales « sont des conditions préalables à la réussite de la mise en œuvre de l’accord sur la zone de libre-échange continentale africaine (Zleca) » a fait remarquer Nana Akufo-Addo. Car aujourd’hui, « le continent n’a d’autre alternative que de réduire sa dépendance vis-à-vis de l’aide extérieure et des biens importés et de commencer à mobiliser des ressources intérieures pour financer son développement, et diversifier son économie », a-t-il expliqué.

Le temps presse, puisque 2020 est justement l’année de l’entrée en vigueur de la Zleca, dont le siège permanent sera implanté à Accra. Sa mise en route sera d’ailleurs au cœur des priorités de Cyril Ramaphosa, président de l’UA cette année, qui avait  déjà annoncé un sommet dédié en mai, en Afrique du Sud.

Malheureusement, compte tenu de la situation sanitaire du pays en proie au Covid-19, le sommet ne pourrait pas se tenir.  Le président ghanéen l’avait martelé à Addis-Abeba : « La mise en place effective des institutions financières de l’UA nécessite des engagements audacieux de notre part, en tant que dirigeants du continent. Nous devons prendre des mesures urgentes. » Peu importe le temps que ça prendra, mais plus que jamais, le continent africain a besoin d’une monnaie commune à l’instar des Européens avec l’euro.

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