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LA VIE, L’ASSASSINAT ET LE TESTAMENT DE THOMAS SANKARA

Thomas Isidore Noël Sankara est un Peul-Mossi issu d’une famille catholique. Son père est un ancien combattant et prisonnier de guerre de la Seconde Guerre mondiale. Il fait ses études secondaires d’abord au lycée Ouezzin Coulibaly de Bobo-Dioulasso, deuxième ville et capitale économique du pays puis, de la seconde au baccalauréat, à Ouagadougou (capitale politique du Burkina), au Prytanée militaire de Kadiogo.

Durant ses études, il côtoie des fils de colons. Il sert la messe mais refuse d’entrer au séminaire. Il suit, comme Blaise Compaoré, une formation d’officier à l’École militaire inter-armée (EMIA) de Yaoundé au Cameroun, puis à l’Académie militaire d’Antsirabe, à Madagascar (où il étudie les sciences politiques, l’économie politique, le français et les sciences agricoles, et devient en 1976 commandant du CNEC, le Centre national d’entraînement commando, situé à Pô, dans la province du Nahouri, à 150 km au sud de la capitale.

La même année, ils prennent part à un stage d’aguerrissement au Maroc. Ensemble, ils fondent le Regroupement des officiers communistes (ROC) dont les autres membres les plus connus sont Henri Zongo, Boukary Kabore et Jean-Baptiste Lingani.

Durant ses études à Madagascar, il assiste en 1972 à la révolution qui conduit à la fin du régime néocolonialiste de Philibert Tsiranana. Cela l’amène à concevoir l’idée d’une « révolution démocratique et populaire ». En 1974, il s’illustre militairement lors de la guerre avec le Mali. Capitaine, il créé ensuite une organisation clandestine avec d’autres officiers, se rapproche de militants d’extrême gauche et fait de nombreuses lectures.

Un coup d’État militaire a lieu en novembre 1980 mais le nouveau régime, bien que populaire, se montre rapidement répressif et lie l’armée à des scandales.
En septembre 1981, il devient secrétaire d’État à l’Information dans le gouvernement du colonel Saye Zerbo avant de démissionner le 21 avril 1982, en direct à la télévision, déclarant : « Malheur à ceux qui bâillonnent le peuple »

À la fin des années 1970 et au début des années 1980, le Burkina Faso connaît une alternance de périodes autoritaires et de démocratie parlementaire. Les personnalités politiques sont coupées de la petite bourgeoisie urbaine politisée, et cette scission est renforcée par des scandales financiers. Cela amène de jeunes officiers ambitieux et désireux de moderniser le pays comme Thomas Sankara à s’investir en politique, se posant en contraste avec des hommes politiques plus âgés et moins éduqués ‬

Le 7 novembre 1982, un nouveau coup d’État porte au pouvoir le médecin militaire Jean-Baptiste Ouédraogo. Sankara devient Premier ministre en janvier 1983, position acquise grâce au rapport de forces favorable au camp progressiste au sein de l’armée, mais il est limogé et mis en résidence surveillée le 17 mai, probablement sous la pression de la France.

Un nouveau coup d’État, le 4 août 1983, place Thomas Sankara à la présidence du Conseil national révolutionnaire. Il déclare que ses objectifs sont : « Refuser l’état de survie, desserrer les pressions, libérer nos campagnes d’un immobilisme moyenâgeux ou d’une régression, démocratiser notre société, ouvrir les esprits sur un univers de responsabilité collective pour oser inventer l’avenir. Briser et reconstruire l’administration à travers une autre image du fonctionnaire, plonger notre armée dans le peuple par le travail productif et lui rappeler incessamment que, sans formation patriotique, un militaire n’est qu’un criminel en puissance ». Il s’entoure de cadres compétents, défend la transformation de l’administration, la redistribution des richesses, la libération de la femme, la responsabilisation de la jeunesse, la décentralisation, la lutte contre la corruption, etc. Le 4 août 1984, la République de Haute-Volta est renommée Burkina Faso.

Sur le plan intérieur, son gouvernement retire aux chefs traditionnels les pouvoirs féodaux qu’ils continuaient d’exercer Il crée les CDR (Comités de défense de la révolution), qui sont chargés localement d’exercer le pouvoir au nom du peuple, gérant la sécurité, la formation politique, l’assainissement des quartiers, la production et la consommation de produits locaux ou encore le contrôle budgétaire des ministères. Parfois, ils refusent après débats certains projets nationaux, comme celui de l’« école nouvelle », qu’ils jugent trop radical.

Les dépenses de fonctionnement diminuent pour renforcer l’investissement. Les salaires sont ponctionnés de 5 à 12 % mais les loyers sont déclarés gratuits pendant un an. À Ouagadougou, une friche est réhabilitée en zone industrielle. Le nouveau régime vise à développer une économie ne dépendant plus de l’aide extérieure, que Thomas Sankara décrit ainsi : « Ces aides alimentaires […] qui installent dans nos esprits […] des réflexes de mendiant, d’assisté, nous n’en voulons vraiment plus ! Il faut produire, produire plus parce qu’il est normal que celui qui vous donne à manger vous dicte également ses volontés ». Les importations de fruits et légumes sont interdites afin d’inciter les commerçants à se fournir dans les zones de production situées dans le sud-ouest du Burkina Faso ; cela est favorisé par la mise en place de nouveaux circuits de distribution et d’une chaîne nationale de magasin.
Les CDR permettent aussi aux salariés d’acheter des produits depuis leur lieu de travail. Les fonctionnaires sont incités à porter l’habit traditionnel (Faso dan fani), ce qui conduit de nombreuses femmes à obtenir un revenu propre en tissant ce vêtement directement chez elles.

Soucieux d’environnement, il dénonce des responsabilités humaines dans l’avancée du désert. En avril 1985, le CNR lance ainsi les « trois luttes » : fin des coupe de bois abusives et campagne de sensibilisation concernant l’utilisation du gaz, fin des feux de brousse et fin de la divagation des animaux. Le gouvernement mène des projets de barrages alors que des paysans construisent parfois eux-mêmes des retenues d’eau. Thomas Sankara critique également le manque d’aide de la France, dont les entreprises bénéficient pourtant en majorité des marchés liés aux grands travaux.

Au niveau international, sa politique rencontre une approbation du mouvement altermondialiste, dans la mesure où il critique les injustices de la mondialisation, le système financier, l’importance du FMI et de la Banque mondiale et la dette des pays du tiers-monde les maintenant dans un cercle vicieux. Le Burkina Faso ne contracte ainsi pas de prêts avec le FMI, l’organisation voulant imposer ses « conditionnalités ». Thomas Sankara considère en effet ce système comme un moyen de « reconquête savamment organisée de l’Afrique, pour que sa croissance et son développement obéissent à des paliers, à des normes qui nous sont totalement étrangers »

Concernant la démocratie, il développe une pensée originale pour lui : « Le bulletin de vote et un appareil électoral ne signifient pas, par eux-mêmes, qu’il existe une démocratie. Ceux qui organisent des élections de temps à autre, et ne se préoccupent du peuple qu’avant chaque acte électoral, n’ont pas un système réellement démocratique. […] On ne peut concevoir la démocratie sans que le pouvoir, sous toutes ses formes, soit remis entre les mains du peuple ; le pouvoir économique, militaire, politique, le pouvoir social et culturel »

Thomas Sankara est devenu gênant, du fait de sa lutte contre le néocolonialisme, menaçant la place de la France en Afrique ainsi que le pouvoir des autres chefs d’État d’Afrique de l’Ouest, au comportement plus docile.

Le 15 octobre 1987, Thomas Sankara est assassiné lors d’un coup d’État organisé par un de ses camarades les plus proches, Blaise Compaoré (plus disposé à soutenir les intérêts de la France, de la Côte d’Ivoire de Félix Houphouët-Boigny, qui soutiennent ce renversement). Quelques jours plus tard, il est déclaré « décédé de mort naturelle » par Le nouveau régime de Blaise.

Thomas Sankara a dit un jour ces mots : « Tuez Sankara, des milliers de Sankara naitront ». Il est urgent que ces milliers de jeunes, de femmes et d’hommes, dont il est question, se réapproprient son message et les valeurs qu’il a défendues au péril de sa vie afin de contribuer à l’amorce d’un nouveau départ pour l’Afrique.

 » Là patrie ou la mort, nous vaincrons !  »

Source:UNIVERSITEDUNIL

 

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