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GUILLAUME SORO:  » ALASSANE OUATTARA EST LE PLUS GRAND PRISONNIER AMBULANT DE CÔTE D’IVOIRE « 

Interrogé par le journal burkinabé, L’Observateur Paalga, Guillaume Kigbafori Soro, président de Générations et peuples solidaires (GPS), a fait un tour d’horizon de la situation sociopolitique. Il a surtout insisté sur le fait que la présidentielle d’octobre 2020 n’aura pas lieu.

– Cela fait maintenant 10 mois que vous êtes de nouveau exilé après votre retour raté en décembre 2019. Qu’est-ce qui vous manque le plus ? La scène politique ? Vos proches ? Ou le « garba » du quartier ?

Nier que mon pays, dans toutes ses saveurs, autant celles de ses gens que de ses choses me manque, ce serait vous mentir. La douleur de l’exil est d’autant plus redoublée que celui qui me la fait subir, Alassane Dramane Ouattara, est un homme pour lequel j’ai sacrifié mes jeunes années, quand il était victime de l’exil politique. Ce qui me manque le plus, c’est tout simplement cette liberté d’aller et de venir chez moi, que je croyais avoir chèrement et définitivement reconquise le 19 septembre 2002 avec mes camarades des Forces Nouvelles et compatriotes engagés pour le triomphe de l’Etat de droit et de la démocratie.

-Votre nom et celui de Laurent Gbagbo ont été radiés des listes électorales et, comme lui, votre candidature à la présidentielle a aussi été jugée irrecevable. En votre for intérieur, vous vous attendiez vraiment à autre chose ?

Je vous l’avoue, je n’ai jamais rêvé qu’un homme de la trempe d’Alassane Dramane Ouattara organiserait mon exclusion et celle de plus de 40 autres ivoiriens de la concurrence politique loyale en Côte d’Ivoire. Le droit des citoyens ne doit dépendre d’aucun for intérieur, mais tout simplement du respect des normes objectives de justice. Cela étant dit, la dynamique de destruction du pluralisme politique qui est celle du régime Ouattara notamment depuis sa décision ferme de capturer l’Etat de Côte d’Ivoire une fois acquis son second mandat présidentiel en 2015, pouvait me permettre de prévoir une telle forfaiture. Mais, on a beau prévoir, quand ce genre de catastrophe arrive, il y a toujours une part d’inouï et d’inédit qui vous laisse pantois. Comment comprendre qu’Alassane Ouattara qui a été exclu de toute compétition électorale dans ce pays (en raison selon le Conseil Constitutionnel de l’époque d’une nationalité et d’une moralité douteuses), et pour lequel je me suis battu, m’exclue et exclue d’autres ivoiriens des listes électorales de Côte d’Ivoire ? Comment comprendre que celui qui hier a contesté les décisions du Conseil Constitutionnel et s’est battu contre elles par tous les moyens légaux comme illégaux, se trouve être aujourd’hui celui qui demande à ses victimes de se soumettre au verdict infâmant d’un Conseil Constitutionnel corrompu et exécutant aveuglément ses propres ordres ? Tout le monde sait que la liste des candidatures à l’élection présidentielle 2020 a été arrêtée le dimanche 13 septembre au Palais Présidentiel par Ouattara avant d’être transmise le lendemain au Conseil Constitutionnel ? C’est tout simplement abject ! Heureusement, j’ai pour moi la force du droit car deux décisions de la Cour Africaine des Droits et des Peuples en ma faveur ont débouté, les 22 avril 2020 et 15 septembre 2020 passés, le régime Ouattara. Cette Cour a fait injonction de m’inscrire sur la liste des électeurs et des candidats, parce qu’elle estime que les poursuites engagées contre moi sont politiquement motivées et portent atteinte à mes droits fondamentaux.

-N’avez-vous pas surestimé vos forces en décidant de vous opposer frontalement au président Ouattara ?

Non, car ce n’est pas moi qui ai décidé de m’opposer frontalement à Ouattara. C’est lui qui m’a porté le coup, le premier coup, en m’imposant une démission de la tête de l’Assemblée nationale. Dès lors, c’est lui qui s’est surestimé. En ce qui me concerne, le problème ne s’est pas immédiatement posé en termes de rapport de forces mais plutôt au niveau de ma conscience intime. Après avoir consacré ma jeunesse à la lutte pour le pluralisme et contre l’exclusion, devais-je me soumettre, en plein âge adulte, devenu un homme politique, au diktat d’un homme qui ramenait notre pays au parti unique, à la soumission aveugle au culte de sa personnalité, à la confusion des pouvoirs et au règne de la Terreur comme des maîtres-chanteurs ? Je n’ai donc pas surestimé mes forces. Je n’ai fait que procéder à un examen radical de ma conscience. Quand je ne suis pas d’accord, je dis NON. Je l’ai fait hier, je le fais aujourd’hui, et je le ferai demain, car mon être profond est rebelle à toute injustice, d’où et de qui qu’elle vienne. Ma vie n’a de sens que dédiée à la justice, à la liberté et à la vérité. Enfin, j’observe que mon peuple et Dieu le Tout-Puissant ne m’ont jamais abandonné quand je suis fidèlement le chemin de ma libre conscience. Ainsi soit-il.

-Vous avez récemment déclaré que si vous n’êtes pas de la partie, il n’ y aura pas d’élection en Côte d’Ivoire. Allez-vous donc déclencher une nouvelle rébellion ou que comptez-vous faire concrètement pour empêcher la tenue du scrutin ?

Vous êtes excessif dans vos propos. Je ne l’ai pas dit ainsi. J’ai dit qu’il n’y aura pas d’élection le 31 octobre parce que le Conseil Constitutionnel s’est parjuré en invalidant 40 candidatures légitimes et en validant la seule candidature interdite par la Constitution, celle de Ouattara. Si au Burkina le Conseil Constitutionnel avait en 2015, validé la candidature de Blaise Compaoré en éliminant toutes les autres candidatures, qu’auriez-vous fait ? C’est le Peuple de Côte d’Ivoire qui stoppera Alassane Dramane Ouattara dans sa dérive dictatoriale. Vous n’ignorez sans doute pas l’union large, massive et majoritaire des forces de l’opposition et de la société civile ivoiriennes qui encerclent aujourd’hui le régime isolé, discrédité et affolé du RHDP. Les plateformes alliées CDRP, EDS et GPS dominent le RHDP. La configuration des forces en présence, tant sur le terrain populaire, institutionnel que diplomatique et géopolitique est clairement en faveur de notre juste cause démocratique. Cette fois-ci, c’est le Peuple de Côte d’Ivoire, tout le Peuple de Côte d’Ivoire, qui pourra revendiquer une grande victoire collective. Le Peuple de Côte d’Ivoire est profondément rebelle à toute forme de dictatures. Observez-le bien depuis 1990 notamment.

-Votre appel à l’union sacrée de l’opposition pour barrer la route à ADO a été diversement apprécié à Abidjan. Personnellement, que pouvez-vous vraiment faire si loin de votre pays à un mois de l’échéance ?

Notre appel à l’Unité d’actions a bien plutôt été suivi de succès à Abidjan : les plateformes CDRP du Président Bédié, EDS du Président Gbagbo et GPS que je coordonne, agissent depuis lors en profonde synergie. Mais il y a mieux : Alassane Dramane Ouattara, le candidat usurpateur, se retrouve désormais seul avec sa pseudo-élection comme un hochet dans les mains, car les deux autres candidats de poids validés par le Conseil Constitutionnel corrompu, le Président Bédié et l’ancien Premier Ministre Pascal Affi N’guessan, ont clairement renoncé à participer à la mascarade annoncée. La Commission Electorale Indépendante (CEI) est inopérante parce que sa composition est incomplète : les trois membres de l’opposition y ont suspendu leurs activités. Du coup l’élection illégale et illégitime du 31 octobre 2020, fabriquée par l’usine à fraude de Ouattara montée depuis les listes électorales non-auditées, la CEI aux ordres et le Conseil Constitutionnel parjure, a été de facto invalidée et rendue insignifiante. Quant à la question de ma présence, j’observe qu’elle se fait tellement ressentir en Côte d’Ivoire que les officines du pouvoir et l’opinion nationale m’annoncent par plusieurs fois présent dans le pays. Agir, c’est influencer, modifier, orienter l’Histoire. Et pour ce faire, ma présence physique sur le sol ivoirien ne sera que le parachèvement d’un processus déjà enclenché. Je rentrerai à tout moment opportun dans mon pays. Nos trois plateformes représentent les trois quarts du champ politique ivoirien. Si Ouattara affirme qu’en 2010, toute l’opposition était unie contre Laurent Gbagbo, entrainant immanquablement sa défaite, il doit tout aussi admettre qu’en 2020, il ne peut en être autrement quand toute l’opposition est à nouveau unie contre lui. Par conséquent, il est évident que Ouattara et son RHDP ne peuvent que perdre.

-Suite à vos menaces à peine voilées, votre désormais ennemi a affirmé que votre place n’est pas dans la campagne mais en prison ? Pouvez-vous effectivement prendre le risque de rentrer, connaissant ce qui vous attend ?

Une fois de plus il ne faut pas inverser l’ordre des choses. C’est bien M. Ouattara qui viole la Constitution de Côte d’Ivoire. Un proverbe bien pensé dit que celui qui indexe un ennemi ne devrait pas oublier les quatre autres doigts de sa main qui se replient sur lui-même. Si Alassane Dramane Ouattara estime que je dois être fait prisonnier uniquement parce que je suis candidat à l’élection présidentielle de mon pays, on doit se demander quel sort la Côte d’Ivoire devrait réserver à l’homme par qui sont principalement advenus les coups d’Etat et tentatives de coups d’Etat de 1993, 1995, 1999, 2000, 2001, 2002, et finalement la guerre postélectorale fratricide de 2010-2011 due à son refus de respecter la décision du Conseil Constitutionnel en 2010 ? Que doit-on franchement faire à l’homme qui, ces deux derniers mois, a occasionné l’assassinat de plus de 30 personnes en Côte d’Ivoire, emprisonné arbitrairement des centaines d’autres, dont des députés, uniquement parce que ces citoyens s’opposent à son projet illégal, illégitime et sordide de 3ème mandat présidentiel ? Alassane Dramane Ouattara est le plus grand prisonnier ambulant et en sursis de Côte d’Ivoire. Lui qui a tant emprisonné les autres, lui qui a enlevé et pris en otage, tel un chef de razzia, des femmes aux mains nues, des députés sans la levée de leurs immunités, mes propres frères de sang ? On ne peut pas humilier tout un peuple tout le temps.

-A un mois de l’élection, peut-on encore arrêter la machine électorale qui est bien lancée ? Et comment à votre avis ?

L’Histoire imminente de la Côte d’Ivoire répondra à votre question. Mais les astres s’alignent tous les jours, en faveur du départ du régime RHDP du pouvoir. Vous pouvez cependant ne pas les voir, car la vision politique n’est pas un art collectif. Au demeurant, je l’ai dit toujours : en matière électorale, il n’y a pas de fétichisme de date, surtout s’il s’agit de préserver la paix, la sécurité et éviter une crise électorale potentiellement plus dévastatrice que celle de 2010.

-Certains disent que c’est bien fait pour vous ce qui vous arrive et que nul ne peut se prévaloir de ses propres turpitudes parce que c’est vous qui avez pris les armes pour installer ADO au pouvoir ? Nourrissez-vous quelques regrets aujourd’hui ?

Dire cela, c’est faire une réflexion à courte vue. Je n’ai pas pris les armes pour faire plaisir à Ouattara. Je me suis engagé dans ce combat aux côtés des forces de la communauté internationale pour le respect du droit et la défense de la vérité des urnes. Je me battais dans mon pays déjà en Côte d’Ivoire pour le pluralisme politique avant l’arrivée de M. Ouattara. Je ne regrette pas le combat contre l’injustice et l’exclusion, car il valait la peine d’être mené. En revanche, je regrette d’avoir soutenu Ouattara qui, au final, a dévoyé l’idéal de notre combat. Ce faisant, il nous a livrés à la moquerie publique(…)

À suivre

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