LE MYTHE DE LA CONQUÊTE DU POUVOIR EN TUANT

Il s’agit d’une lecture nouvelle, de la lutte entre Horo et Seth. Le fils contre l’oncle(le père social dans le régime matriarcal).
La richesse d’un mythe est qu’il se prête à plusieurs interprétations suivant les époques et les besoins des peuples.

L’unification de la vallée du Nil fut aussi une affaire de conquête du pouvoir. L’abandon d’un monde ancien pour un nouveau modèle. Les clans, de gré ou de force, cédèrent place à l’empire. Nous avons lié, dans un post précédent, cette affaire à la lutte entre Rê et Aapap. Avec comme enjeu, le maintien du nouvel ordre cosmique( le monde actif) défendue par Rê et l’ancien ordre(le monde dans un sommeil sans fin), que Aapap veut rétablir.

À travers une lecture du mythe ancestrale, nous nous efforçons de saisir le cadre que fixe le paradigme africain en matière de pouvoir. Le mythe d’Assata et Ousir nous fournit des clés de compréhension.

Nous irons droit au but ! Seth tue son frère et roi Ousir et prend le pouvoir. Horo fils d’Ousir et Assata la veuve de ce dernier combat son oncle(père social dans le régime matriarcal) avec l’aide de sa mère pour (re)conquérir le trône. Dans le combat il perd un oeil, tandis que lui même emmascule son oncle.
Avec l’aide de sa mère, il réussit à monter sur le trône.
Voilà pour l’essentiel du mythe. Mythe que nous nous proposons une lecture nouvelle.

Ousir incarne les plus hautes valeurs morales du souverain africain. L’appellation Ounnefer, l’être parfait, est là pour valider cette affirmation. En tuant son frère, Seth immortalise ses valeurs qui deviennent la norme que devra incarner tout souverain.

Mais Ousir représente aussi le souverain révolu qui doit faire place à un nouveau type de roi. Pourquoi ? Parce que les temps changent. Les défis aussi. Et son assassinat par Seth est un sacrifice sur l’autel du changement ?

Seth est un guerrier, il est belliqueux. Mais son geste révèle un personnage sans valeurs morales. Il ne peut donc incarner le nouveau type de souverain qu’exige l’histoire !
En tout cas, le combat acharné que Horo mène contre son oncle va dans le sens du refus d’un tel roi. La tradition admet le régicide mais pas le fratricide ! Elle respect le guerrier car il peut être utile, pas l’assassin.

Horo va vaincre Seth. Mais ici, pas de parricide ! La tradition ne l’admet pas non plus. À la place, le fils emmascule son père. Seth était déjà stérile. Mais ne sait-on jamais. Le monde ancien dans ce qu’il a de stérile est définitivement éteint. Il n’y a plus aucune possibilité de reproduction !
Tel est notre interprétation de ce geste de Horo.

Voici donc Horo vainqueur et avec l’aide de sa mère, il gagne le trône. C’est l’avènement du nouveau souverain : à la fois sage et guerrier !!!

Mais Horo a perdu un œil au combat. Arraché par son oncle. Chacun aurait donc perdu un organe au cours de la bataille. Pour Seth nous avons dit ce à quoi cette perte renvoie. L’oeil arraché représente le regard du monde ancien. Mais ce regard demeure puisqu’il subsiste un œil. Mais l’autre œil arraché signifie que désormais le monde sera regardé autrement désormais. D’ailleurs l’oeil arraché et découpé est remis en place grâce à Djehuty, mais il n’est plus le même puisque recomposé.

Le nouveau souverain pose désormais un double regard sur le monde. Celui de l’expérience ancienne, comme un repère, et le nouveau, celui qui va au delà de l’horizon connu. Celui du souverain visionnaire.

Voilà donc le souverain suprême : sage, guerrier et visionnaire.

Mais un personnage a échappé, dans ce conflit dans lequel il a pris pourtant part, à la destruction. C’est la mère de Horo : Assata.

Assata c’est la tradition féconde, la partie qui défie le temps. Elle représente ce par quoi le changement arrive, qui accompagne le changement et qui demeure après que le changement soit passé. Qu’est ce que c’est ? Difficile à dire… Nous pensons à la justice.
Ousir épouse la justice pour en incarner les vertus. Cette même justice qui couvre Horo et à travers lequel elle triomphe.

Les mythes sont les fondements de nos civilisations. Ils sont donc plus vieux que les civilisations qui surgissent d’eux. Et ces civilisations ne sont que des interprétations de ces mythes, au regard des besoins d’époque.
De même les civilisations nouvelles naissent d’une lecture nouvelle des mythes anciens.

Ainsi les besoins de notre époque nous obligent à avoir une lecture nouvelle du mythe de Ousir et Assata(Isis et Osiris), en vue d’y extraire une identité politique qui nous est propre.
Nous pouvons déjà affirmer que le complexe
Œdipe nous est inconnu. On ne tue pas son père pour accéder au pouvoir !

Ni fratricide ni parricide. Le souverain est un sage doublé d’un guerrier et d’un visionnaire. Il incarne Mâat.

Des leçons essentielles de la lutte entre Seth et Horo : le pouvoir ne s’offre pas. Il faut se battre pour le conquérir. Mais l’assassinat n’y a pas sa place. La conquête du pouvoir se fait en tenant compte des valeurs morales de la société. La Justice en tout premier ! C’est la base. L’ordre présidant à toute chose. Mâat !!!

Voilà pour ce qui est du paradigme africain concernant la chose du pouvoir. En tout cas, de ce que nous tirons dans notre lecture du célèbre mythe de Kemi.

Djehuty Biyong