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LE CAMEROUN , UN GOULAG À CIEL OUVERT , AUX ARMES CITOYENS

L’affaire ne commence pas ; elle se poursuit plutôt dans un brillant éditorial récemment commis par un éminent confrère et frère, Haman Manah, sur le thème de la dictature qui sévit au Cameroun. Egrenant un ensemble de faits sur les lignes droites, courbes, ou sinueuses qui décrivent autant qu’elles auréolent la satrapie qui nous gouverne, l’homme peut conclure de sa belle plume, péremptoire, « Si ce n‘est pas une dictature, ça y ressemble ». Et on peut lui faire crédit d’une parfaite immersion dans une réalité dont il décrit, par le menu, les modalités les plus détestables, notamment, l’ample aiguillon de la peur, l’arbitraire du pouvoir, la culture de la violence, la banalisation de la vie, la normalisation des écarts, l’anéantissement du Droit et des droits, voire, la fin de l’Etat de droit.

Sur les pentes escarpées de ce savant travail de dévoilement, l’artiste séduit, autant que le sujet captive. Le tableau final se veut d’un délicieux saisissement, sous les traits graves de ce parfait goulag à ciel ouvert. L’on ne peut que se laisser, ensuite, pénétrer par la logique implacable de la descente vers un inéluctable crépuscule qui s’en dégage. Revenant sur l’affaire des hordes en furie qui ont récemment saccagé les ambassades du Cameroun en Europe, Haman Manah peut se faire, bien malgré lui, pédagogue de l’apocalypse en soutenant notamment que : « oui c’est ainsi que s’achèvent les dictatures : ces images chaotiques où des mains vengeresses déboulonnent les statues, pendant que d’autres pissent sur les images autrefois sacrées. » Il s’en faut de peu pour presque entendre le clairon proclamer que, tout est pardonné, parce que tout est justifié.
En français facile, l’on retient que le Cameroun héberge un pouvoir dictatorial hideux, hanté par une terrible loi d’airain, celle d’une fin incontrôlable. Limpide !

Que l’on s’y reconnaisse ou non, cette position franche de l’un de nos donneurs d’alerte, parmi les plus avertis, ne peut laisser indifférent, au moins parce qu’elle jette un puissant pavé dans la marre du bilan de l’Etat de droit au Cameroun. Une relation citoyen-Etat qui laisse songeur sur la notion floue de la raison d’Etat, lorsque l’on considère, notamment, ces arrestations qui n’en finissent pas ; ces prisons qui s’emplissent de dignitaires au regard hagard ; ces chiffres mirobolants qui partent en fumée ; ces procédures régulièrement piégées par l’empressement à tout contourner ; cette fièvre de l’accumulation, ces forts toujours plus forts par la force, cette ivresse de l’accaparement foncier, par la spoliation éhontée des plus faibles, cette prolifération des vexations de toute nature… Oui assurément, la méprise est permise, la confusion aussi. Si ce n’est pas la dictature, en vertu de la légitimité de principe de tout fait d’Etat, ça y ressemble, parfois hélas. Mais est-ce tout de le dire ?

A la vérité, le cas du Cameroun a quelque chose d’exceptionnellement préoccupant. Car, par un hasard de sa nature particulière, Le pays croule en fait sous le feu croisé de deux forces antagonistes, qui toutes le mettent en agonie…
Il y a d’un côté, la dictature d’Etat, celle que l’on connaît le plus, et que l’on dénonce en boucle tous les jours, avec emphase, à l’instar de l’éditorial ci-dessus. Tout ou presque a déjà été dit à son sujet. C’est le péché originel auquel on doit aujourd’hui l’offrande de l’inconfort qui rampe et s’épaissit… Sauve qui pourra Dieu !

Malgré cela, et comme préoccupée par sa rédemption future, cette première dictature a su conserver une qualité cardinale, celle de laisser prospérer des failles nombreuses pour la diversité, la contradiction, la raison, le libre arbitre, et tout le reste du champ de la liberté, comme d’écrire, de parler, d’invectiver, d’insulter, de partir et de revenir, sans bourse déliée, sans inquiétude. C’est son atout, et même son atour majeur…

Abordons, à présent la seconde dictature, non sans angoisse, la peur au ventre ; car, soudain viennent à l’esprit l’image bafouée d’illustres compatriotes tels, Achille Mbembe, Nguini Owona, Jean de Dieu Momo, Elimbi Lobe, Cabral Libih et quelques autres, tous passés du capitole à la roche tarpéienne, sans préavis, pour avoir voulu nuancer, canaliser, tamiser, contredire ou concurrencer le discours dominant. Péril ! Il en faut de la résilience…
Cette seconde dictature ne se conte pas, elle se vit. Verticale et intransigeante, à souhait, les muscles bien rebondis, elle se paie d’hystérie de masse. C’est la dictature du peuple souverain, ou du moins, un segment de celui-ci. Elle est composée de ceux qui, dit-on, définitivement libérés de la peur, des peurs, ont franchis le pas de l’action, en arrachant au pouvoir en place l’exclusivité de la violence légitime, pour dire leur droit, et mettre tout, et tout le monde en coupe réglée. On marche ou on meurt ! On est avec, ou on est contre, sans demie mesure… Timides et tièdes, s’abstenir !

Sa montée en puissance s’est faite crescendo, ces dernières années, depuis le retour à la démocratie pluraliste. Elle se signale d’abord par l’hypertrophie de son égo, ses égos. Sans que cela soit toujours dit explicitement, encore que… Mais surtout, si l’on prête une oreille attentive à ses saillies, et que l’on met bout à bout les fragments qui s’en dégagent, l’on est bien obligé d’entendre des choses bizarres dans le genre : nous sommes les plus nombreux, les plus nantis, les plus brillants, les mieux organisés, pourtant, nous sommes les plus marginalisés. Bien plus, parce que nous disposons de relais planétaires, et que nous contrôlons, par ailleurs, tous les leviers de la socialisation collective interne, alors, à tout prendre, notre volonté est la Volonté. A prendre ou apprendre!

Ici, on sait jouer avec les symboles, tout en se souciant du raisonnable et du rationnel. C’est ce que révèle sa foisonnante activité d’anthropologie politique, en ce qui concerne, notamment, la définition de la bête à abattre. L’on est ainsi passé, tour à tour, du fonctionnaire prévaricateur, au beti jouisseur, avant de sauter sur le Bulu malfaisant, et plus récemment sur le Nnanga pouvoiriste, tous coupables de Co agir avec l’ogre qui retient les espoirs des uns et des autres… Ainsi pris dans le tourbillon de cette meule à noircir, voilà comment des millions de frustrés objectifs, qui ne demandaient qu’à crier leur misère, sont, du jour au lendemain, résignés à jouer les boucliers du pouvoir, parce que poussés par l’ironie d’une stigmatisation rageuse, aveugle et aveuglante. Au demeurant, l’on sent bien ces derniers temps des efforts conséquents pour ratisser large, et essayer de recentrer le discours sur des enjeux d’équité républicaine et de justice sociale, mais, il y subsiste encore bien souvent, hélas, cet air de règlement de compte ethnique ou de repli identitaire, comme on peut le voir avec les émeutiers de Paris ou de Bonn… Tout ceci ne va pas sans un authentique appauvrissement du débat citoyen au Cameroun. Passons !

Puisqu’elle se donne comme verticale, intrépide et intransigeante, les plus grands ravages de la nouvelle dictature sont surtout perceptibles dans les rangs de citoyens ordinaires, transformés, souvent à leur corps défendant, en bétail de guerre ou bouclier de fortune. Ainsi, vous êtes musicien, votre carrière va désormais se dérouler au fil de la conformité politique. En tout cas, vous savez désormais quoi chanter et où prester ; sinon, tous vos contrats sont annulés, tous vos déplacements à l’international aussi, en attendant que l’on décide de la langue et du rythme autorisés. A prendre ou apprendre !
Vous êtes paneliste d’un plateau de télévision, il est urgent de vérifier votre alignement sur la pensée dominante. Sinon, vous pourriez finir le jour même au troisième sous-sol d’une effroyable opération de lapidation publique, en mondovision (la liste est longue). Et si l’on consent à vous ménager un peu, peut-être pour votre âge, l’on coupera le son de votre émission en direct, pour déni ou délit d’opinion (Le Pr Joseph Owona.) Le cas échéant, vous pourriez bientôt ne plus pouvoir circuler librement dans certaines régions du monde… A vous de choisir. A prendre ou apprendre !

Sur un plan plus systémique, au niveau des municipalités, par exemple, élu ou nommé, l’autorité municipale n’a qu’à bien se tenir. En tout cas, c’est la meute dominante qui impose et en impose, quitte à priver les autres usagers de tout droit. C’est ainsi que l’un dans l’autre, les désordres urbains, la justice populaire, la bonne vieille désobéissance civile, la violation des ambassades, l’injure publique, comme l’appel solennel au meurtre poursuivent ensemble un seul et même but, à savoir, créer un ordre alternatif, à défaut de l’alternance, pourvu de dénuder le roi, jusqu’à l’étranger.
A cause de cela, l’on sait désormais que la bouche pendable d’Ahmad Ahamad, le président de la CAF, avait incontestablement menti sur le harcèlement de sources internes aux fins de retrait de la CAN 2019 au Cameroun. C’est d’ailleurs les mêmes mensonges que la dictature de Yaoundé multiplie aujourd’hui pour nuire à d’innocents compatriotes partis chercher bonheur en Europe. On n’ajoutera pas un troisième…

Qu’il suffise d’avancer ici qu’il n’y a pas à choisir entre deux dictatures ; l’on peut tout au plus être conciliante avec celle qui l’est, par sa souplesse à laisser filtrer le chœur de nos lamentations, et être méfiant vis-à-vis de celle qui verrouille tout… Il conviendrait, peut-être, d’envisager une troisième voie, surtout pour nous qui avons de vieilles et très profondes attaches dans toutes les Regions du Cameroun. Sauf que là aussi, rien n’est donné, les extrémistes de tout bord s’étant montrés particulièrement fermés à ces jérémiades en fraternité ou en patriotisme qu’ils assimilent à de la faiblesse. Pour eux, une bonne dictature est d’abord « garçon », et seule une autre peut la chasser, Sang pour sang, là là là !
Alors, aux armes citoyens, aux larmes terre honnie !

Conclusion, et pour rejoindre mon illustre confrère et frère évoqué plus haut, oui, nous sommes effectivement en dictature, pire, nous sommes dans une double dictature ; et ça ne pourrait que mal finir, parce qu’il n’y a pas de vie possible sous les chaînes qui nous enferrent en ce moment de toute part.
OH CRY MY BELOVED COUNTRY !

SIRE ATEBA NDOUMOU ALPHONSE/ chef traditionnel/médiateur social

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