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LE JOUR OÙ MOBUTU A PROFITÉ POUR TUER LUMUMBA ET KASA- VUBU

Le nom de Patrice Lumumba reste inoubliable au Congo et partout en Afrique. Pourtant, il n’aura occupé le poste de Premier ministre que durant 2 mois et 21 jours, soit entre le 24 juin 1960 et le 14 septembre 1960, et a été tué le 17 janvier 1961 à l’âge de 35 ans. Comment en est-on arrivé à ce gâchis de celui qu’on considère comme un héros national, voire continental? Un film tragique.

Le 5 septembre 1960, Joseph Kasa- Vubu, premier Président de la République du Congo-Léopoldville du 30 juin 1960 au 24 novembre 1965, révoque son Premier ministre Patrice Lumumba. Toute la capitale est encore sous le traumatisme   depuis que l’indépendance, acquise le 30 juin, a tourné au cauchemar : le Katanga a fait sécession, ainsi que le Sud-Kasaï. Dans les milieux diplomatiques belges et américains , on attribue tout cela à Patrice Lumumba qu’on trouve volcanique, peu flexible, et surtout communiste. C’est exactement à  20h03 où démarre  le programme du cours d’anglais diffusé sur la radio nationale. Puis, à 20h15, le programme s’arrête soudain. Une voix lointaine résonne dans les transistors, c’est celle du président  Joseph Kasa Vubu. Il annonce que Lumumba a trahi la tâche qui lui a été confiée et énumère une série de griefs contre lui, avant d’en tirer la conséquence : « J’ai jugé nécessaire de révoquer immédiatement le gouvernement ». En réalité, selon la Constitution, le président de la république n’avait pas le droit de révoquer le Premier ministre.

Patrice Lumumba est ainsi illégalement  révoqué ainsi que  6 autres membres de l’Exécutif pour le même motif : Remy Mwamba, Christophe Gbenye, Anicet Kashamura, Antoine Bolamba, Antoine Gizenga et Jacques Lumbala. Mais une heure après, coup de théâtre : c’est le Premier ministre Patrice Lumumba qui à son tour,  passe sur la même antenne, pour déclarer qu’il reste en fonction. Le Conseil des ministres et le Parlement lui votent une motion de soutien. Le lendemain, il vient à la radio annoncer qu’il a décidé de révoquer le Président de la république Joseph Kasa-Vubu.  La confusion est  totale et la crise congolaise atteint le point culminant.

Le Congo va vivre une semaine d’anarchie  au sommet de l’Etat, ne sachant pas qui de Lumumba et de Kasa Vubu avait les manettes du pouvoir . C’est dans cette confusion que Mobutu, alors chef d’Etat-major de l’armée, soutenu par la CIA, profite de prendre le pouvoir en orchestrant un coup d’Etat le 14 septembre afin, dit-il, de « neutraliser » les deux rivaux. Le 10 octobre, il assigne Lumumba en résidence surveillée avec tous ses ministres.

Le 27 novembre,  fuyant avec sa famille  Léopoldville (Kinshasa)  vers son fief de Stanleyville (Kisangani), Lumumba sera arrêté dans le district de la Sankuru début décembre par les hommes de Mobutu, transféré au Katanga,  avant d’être livré à son pire ennemi, Tshombé, qui le fera ligoter, humilier, puis fusiller par des soldats, sous le commandement d’un officier belge à Élisabethville (Lubumbashi) le 17 janvier 1961.  Selon les documents secrets de la CIA , Mobutu avait fait dissoudre le corps de Lumumba dans l’acide. De même, le lendemain, les officiers belges avaient fait disparaître dans l’acide, les restes des victimes découpés au préalable  en morceaux. Le Roi Baudouin lui-même était intervenu et avait écrit au Président américain qu’il s’opposait fermement à la libération de Lumumba. Moïse Tshombe, le nègre de service et le fou assoiffé de pouvoir Mobutu, ont donc permis aux Belges de se débarrasser de l’encombrant nationaliste Lumumba.

Joseph Kasa- Vubu, placé en résidence surveillée, interdit de se rendre à l’hôpital et privé de soins, mourut dans sa résidence à Boma, le 24 mars 1969 à 4 heures du matin. Il n’avait que 52 ans. Officiellement, il est mort d’embolie cérébrale. Mais en réalité, il avait été empoisonné par un médecin américain envoyé par Mobutu, lequel  lui avait administré une injection. À cette époque, la CIA experimentait un poison qui tuait à petit feu, via une injection qui provoquait une hémorragie lente et progressive dans le cerveau.

Plusieurs personnalités jeunes et dynamiques ont été exterminées par les mêmes méthodes et la même maladie  sous le règne de Mobutu. Le très brillant professeur Makanda Kabobi mourut deux ans après Kasa- Vubu, à l’âge de 38 ans. Prosper Mandrandele, directeur du Bureau politique, décéda à 41 ans.

Si la RDC ne connait que les transitions violentes et les bains de sang, c’est d’abord en grande partie, à cause de la violence du règne de Mobutu qui a passé le temps à mutiler, empoisonner, assassiner, jeter ses adversaires aux fauves. Certains apprecient par nostalgie  la barbarie  de celui qui avait pris le surnom du fauve impitoyable ‘ Le Léopard ‘, oubliant qu’il n’avait qu’un instinct bestial de tueur en série . Comme le disait Nicolas Boileau en 1674: 《 Un sot trouve toujours un plus sot qui l’admire》.

J. RÉMY NGONO

 

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