DE MONGO BETI À ME SOUP: LES HÔPITAUX CAMEROUNAIS TUENT PLUS QUE LE SIDA
« Chevreroun » – Quelqu’un doute encore ?
Mon rire le plus long de l’année 2019, c’est quand un « patriote républicain » m’a dit : « Tente encore de mettre les pieds ici au pays ! ». J’étais très intrigué et je me suis demandé : « Au fait, il y a quoi là-bas ? De quoi parle t-il ? Je ne comprends pas »
Quel est le nombre de Camerounais qui veulent sortir de ce pays, par rapport à ceux qui veulent y rester ? Combien parmi vous resteraient si l’on rendait le visa gratuit et illimité ?
C’est dans ces moments-là que vous confirmez que le monde devient fou. Voici donc le seul pays au monde où les balles sont non-létales, mais où les fractures au bras sont létales, et les gens arrivent quand même à te dire : « Tente de venir ici voir ! ». On est dans le miracle de Cana : sauf qu’ici, ce sont les cerveaux qu’on a changés en vin de palme.
Mes pauvres amis, vous n’imaginez même pas le degré d’amour que nous avons pour cette nation. Car logiquement, une fois qu’on a pu sortir d’un trou pareil, on n’y pense plus ! C’est par patriotisme (le vrai, pas votre sorcellerie tribalo-alimentaire) que nous continuons à nous y intéresser au quotidien. Cela exige un sens du sacrifice incommensurable.
Ensuite, il y a la deuxième vague de Panurgiens. Hier matin encore, l’un d’eux m’écrivait : « Tu passes ton temps à saboter mon pays pourquoi ? ». Voilà donc un sidéen à qui vous dites : « Tu es séropositif », et qui s’énerve contre vous alors que vous venez de lui rendre un énorme service. Dans cette république vampirisée jusqu’aux atomes, le Camerounais aimerait qu’on lui dise que nous sommes la 1ère puissance mondiale, et que la CAN 2019 fut brillamment organisée avec une magnifique finale à Yaoundé. C’est ce chauvinisme pervers qu’ils entendent par patriotisme.
C’est ce que l’arbre de 38 ans de médiocrité, de banditisme institutionnel et d’intimidations policières a pu faire germer comme fruits.
Puisque c’est « votre » pays à vous tous seuls, voyez donc ce qu’il en est : l’illustre Mongo Beti est mort en 2001 pour une stupide histoire de dialyse ; Monique Koumatekel est morte en 2016 sur la terrasse de l’hôpital Laquintinie ; Maître Souop serait mort d’une fracture au bras ( la phrase la plus ridicule du 3eme millénaire ). Demain, c’est vous qui allez mourir à 26 ans d’un accident de moto, parce qu’il manquait 500 francs pour les compresses.
Penses-y toujours : l’avantage avec la réalité de la mort, c’est qu’elle se fiche de vos appartenances politiques. Tu auras donc beau crier tous les « Ayop! » de ton gosier, le jour où ton bus fera ses trois tonneaux hebdomadaires sur la corde de terre marron que tu appelais « route », la mort ne va pas demander ta carte de parti. Elle ne discrimine personne, et sait nous ramener à la réalité nauséabonde des faits à savoir : l’inexistance de l’infrastructure au pays des Crevettes – Et ce sur tous (TOUS) les plans !
Nous aimons bien notre Crevettonie, mais fort malheureusement, tu dois reconnaître qu’elle ne tient aucune comparaison sérieuse. Sortez de cet enclos ne fut-ce que pour une seconde et vous verrez : nous sommes le « Sh…hole country » par excellence
Et si tu penses toujours que c’est moi qui insulte le pays, résolvons ensemble les équations suivantes : As-tu déjà vu ton bien-aimé Paul Biya se faire soigner à Laquintinie ? Pourquoi n’as-tu jamais aperçu ses enfants au dispensaire Messassi ? C’est simple : parce qu’à ses yeux vous êtes des moutons qui peuvent mourir sans que personne ne s’en émeuve. Mais lui, le surhomme, l’humain complet, lui, sa famille et toute leur clique de gens parfaits, peuvent commander un avion médicalisé affrété en urgence depuis Genève, à défaut d’y aller eux-mêmes.
Pour vous, c’est différent. Vous êtes nés à Meyomessala et vous allez mourir un soir à Obala après un match de quartier, d’un léger saignement de nez.
Vos hôpitaux n’ont souvent ni scanner, ni plateau technique, ni électricité, ni même toilettes. Mais puisque vous avez été dressés comme de braves moutons, l’on vous a injecté le réflexe bestial qui consiste à vous attaquer à ceux qui se battent pour vous en dénonçant ces faits au prix de tous les risques, pendant que vous applaudissez vos bourreaux et acceptez le fait que 25 millions de CFA puissent payer une nuit d’hôtel à un homme. Et cette bêtise, cette grosse bêtise, cette bêtise légendaire, vous la commettez tous les jours au nom du « patriotisme. »
Si ce n’est pas une attitude moutonnière, qu’est-ce que c’est ? Je suis même à la recherche d’un autre mot.
S’il est établi que la cause est médicale (et donc que dons ces « Hôpitaux de Référence » on peut bei et bien mourir d’une fracture au bras), alors soignez-vous désormais à la maison, même si vous avez la syphilis. C’est plus sûr.
Il y a deux ans, un homme est allé en Europe, justement pour une douleur à la main. Et ce qui est réellement dingue dans l’histoire, c’est qu’il s’agissait du ministre de la santé !!! Il faut vous faire encore quel dessin pour que vous compreniez que ceux que vous appelez « Excellence » tous les jours sont le GANG DE MALFRATS le plus cynique que le monde ait connu ? On vous l’explique en quelle langue ?
D’un autre côté, c’est vous qui avez raison. Après tout, « même à Mbeng il y a les accidents », et « même à Mbeng les gens meurent » … Ou bien ?
Wilfried Ekanga