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ALASSANE OUATTARA, EXPERT EN TRICHERIE ET HOLD-UP

Dans une très longue « lettre aux camarades » écrite en octobre 1917, Vladimir Illich Lenine balaie les arguments de ses compagnons qui hésitent (« nous n’avons pas la majorité parmi le peuple… »). Il leur oppose la montée en puissance du soulèvement paysan qui, pour lui, représente « le fait capital de la vie actuelle de la Russie ». Et il ajoute : « c’est un fait. Les faits sont têtus ».

Cette expression a, depuis, fait son chemin. Aujourd’hui ce chemin passe par la Côte d’Ivoire à l’occasion des élections législatives qui vont se dérouler le 6 mars prochain.
Entendons-nous bien : la Côte d’Ivoire de 2021 n’est pas la Russie en ébullition de 1917 mais, ici comme là-bas, la réalité, c’est-à-dire la vérité sur l’état du pays ne peut plus être masquée.

La révolte paysanne en Russie a catalysé la Révolution d’Octobre, c’est un fait. La majorité sociologique de l’alliance PDCI / EDS en Côte d’Ivoire va s’exprimer inexorablement dans les urnes le 6 mars, c’est aussi un fait et les faits sont têtus !

Pour bien comprendre les enjeux, remontons au premier tour de l’élection présidentielle du 31 octobre 2010. C’est assurément la dernière « photo » relativement fiable du corps électoral ivoirien. Je dis « relativement » car je n’oublie pas que, déjà, ce jour-là, des triches massives avaient été observées dans certaines zones du nord du pays et nous allons en tenir compte dans notre analyse.

En effet, depuis « l’installation » d’Alassane Dramane Ouattara, aucune élection en Côte d’Ivoire n’a reflété le véritable rapport de forces politique afin de servir de base d’analyse pour le scrutin à venir. Ce qui fait du premier tour de l’élection présidentielle de 2010 la dernière référence fiable de la structure du corps électoral ivoirien.

Le 31 octobre 2010 les trois principaux candidats (ils étaient 14 au total) ont recueilli 96 % des votes exprimés, répartis ainsi : Gbagbo 38.05 %, ADO 32.08 % et Bédié 25.25 %. Par curiosité, j’ai « isolé » les votes des cinq régions de l’époque où le vote « ADO » a atteint des sommets astronomiques, dépassant les 90 % des voix dans un environnement de fraudes et de violences avérées.

Le corps électoral total de ces cinq régions (Bafing, Denguélé, Savanes, Vallée du Bandama, Worodougou) représentait 15 % du corps électoral national et ADO y « recueillera » 37.5 % de ses voix totales dans des conditions sans rapport avec un scrutin libre, juste et transparent..

Sur les 85 % restant du pays le pourcentage de voix obtenu par chacun des trois grands candidats s’établissait ainsi : Gbagbo 44.25 %, Bédié 26.48 % et ADO 23.71 %. Le taux de participation à ce premier tour fut exceptionnel : 83.64 %. Il va avoir une importance capitale dans l’analyse du deuxième tour.

Le 12 novembre 2010, un journaliste de RFI va publier un article qui fera date dans l’histoire de la station et éclairera crûment l’enjeu de ce deuxième tour. Intitulé « Second tour de la présidentielle en Côte d’Ivoire : la loi d’airain de l’arithmétique électorale » il va décrire les différents scenarii de reports des voix de Bédié en faveur de l’un et l’autre des finalistes.

Il était sans doute tellement « dérangeant » pour le seul scenario que certains avaient organisé, comprenez « la » victoire de Ouattara, qu’il fera même l’objet d’une tentative de censure interne par d’autres journalistes de la station, plutôt chargés de promouvoir le fameux « scenario ».

L’essentiel des hypothèses reposait sur les taux de report des voix de Bédié (soit dans leur globalité, soit en fonction d’une moindre participation de son électorat, un peu démobilisé par la défaite).

A cet égard, j’avais, moi-même, rencontré l’ambassadeur de France, Jean-Marc Simon, le jeudi 25 novembre, trois jours avant le vote final. Il m’avait spontanément déclaré que « selon ses calculs » une baisse de participation de 1 % donnait « mécaniquement » 0.5 % de plus au candidat arrivé en tête, en l’occurrence Laurent Gbagbo. Ce qui s’explique logiquement : quand vous baisser le nombre de votants, vous « remontez » le score de chaque candidat et celui arrivé en tête en est le premier bénéficiaire pour atteindre la majorité des voix.

Or, rappelons-nous. Les faits sont têtus : le lundi 29 novembre, au lendemain du scrutin, la CEI donnera un chiffre consensuel, celui de la participation, soit 70.84 %, chiffre qui sera confirmé dans un communiqué de Young Jin Choi, le représentant de l’ONU à Abidjan. Si l’on se referre aux calculs de l’ambassadeur de France, cette baisse de la participation entre les deux tours, qui ressort à près de 13 %, donnait « mécaniquement » au moins 6 points de plus à Laurent Gbagbo, dont le score passait donc de 38 à 44 % avant même le dépouillement des urnes.

De plus on peut considérer sérieusement que l’essentiel de cette chute de la participation était imputable à l’électorat de Bédié, naturellement moins concerné. Les taux de participation inférieurs à 60 % dans le V baoulé en seront, d’ailleurs, l’illustration la plus parlante.

Et c’est là que l’article du journaliste de RFI prend toute son acuité. Si la participation chute de 12 % et qu’elle provient, pour l’essentiel, de l’électorat des éliminés du premier tour, ADO ne peut pas rattraper son retard. (Les lecteurs pourront consulter l’article en tapant « loi d’airain électorale en côte d’Ivoire en 2010 » sur leur moteur de recherche ou en tapant https://rfi.my/bjLuAZ.eE)

C’est dans ce contexte où la CEI se trouvait dans l’incapacité à « faire gagner ADO » que le jeudi 2 décembre 2010 se produira l’annonce solitaire du président de la CEI à l’Hôtel du Golf. Il déclarera des chiffres « lunaires » où la participation remonte à 81.12 % et le score d’ADO culmine à 2.483.164 voix soit …94 % du total ADO + Bédié du premier tour ! Strictement ubuesque !

La vérité étant toujours plus longue à éclater, une confirmation de la manipulation du résultat du deuxième tour viendra bien plus tard d’une voix autorisée, celle de celui qui était le sous- directeur Afrique de l’Ouest au Quai d’Orsay en 2010, dans un article publié le 19 mai 2016 dans le journal Le Monde (peu suspect de « Gbagboisme »…). Il pose d’emblée la question : «

Qui a gagné l’élection présidentielle de 2010 en Côte d’Ivoire ? Officiellement, c’est Alassane Ouattara. En réalité ? Bonne question ». Et l’article se conclue ainsi : « Je ne sais pas qui a remporté l’élection de 2010 mais une chose est certaine, les résultats certifiés par les Nations Unies ne sont pas les bons »…

Cette constatation, même tardive, émise par le responsable du suivi des relations avec la Côte d’Ivoire au ministère français des Affaires Etrangères, jette une suspicion définitive sur la sincérité du résultat « officiel » de 2010.

Plus de dix ans se sont écoulés depuis le vote et tout le monde sait comment la France résoudra la crise postélectorale le 11 avril 2011.
La Côte d’Ivoire a connu depuis lors, deux élections présidentielles, deux élections législatives, autant de municipales et régionales sans oublier le referendum de 2016. Aucun de ces scrutins, même dans la période où le PDCI « participait » au RHDP, n’a mobilisé le corps électoral au-delà de 20 %, le pire, si l’on peut dire s’étant produit le 31 octobre 2020 pour « l’élection » illégale au regard de la Constitution ivoirienne d’Alassane Ouattara.

Ce rappel de l’histoire électorale du pays était nécessaire pour comprendre l’enjeu du scrutin du 6 mars prochain qui va se dérouler avec une nouvelle donne inédite depuis dix ans, la participation de toutes les forces politiques, à commencer par toutes celles qui, en l’absence forcée du président Gbagbo, s’étaient toujours refusé à jouer le jeu truqué du système Ouattara.

J’ai expliqué dans une tribune récente, « Aux urnes citoyens ! » pourquoi, sous l’impulsion du président Gbagbo et l’appui du président Bédié, enfin sorti des griffes du système RHDP, il fallait que toute les forces vives du pays se mobilisent pour faire tomber « l’imposture majoritaire » qui a confisqué le pouvoir législatif depuis dix ans.

Quand on analyse froidement les données de cette élection, il est en effet impossible que Ouattara la gagne.

Précision fondamentale : l’élection se déroule au scrutin majoritaire à un tour, c’est-à-dire que dans chaque circonscription le candidat, ou la liste, arrivé en tête, est élu.

255 sièges sont à pourvoir dans 205 circonscriptions. La majorité est atteinte avec 128 sièges. 37 circonscriptions, toutes au Nord, fruit d’un découpage « subtil » et marqué du sceau du fait du Prince, ou quelques milliers de voix suffisent à élire un député (alors que dans un district comme Abidjan, il faut, parfois, plusieurs centaines de milliers de voix pour y parvenir) sont déjà acquises au RHDP, l’opposition ne présentant pas de candidats qui n’ont aucune chance dans ce « découpage sur mesure ».

Il reste donc 218 sièges où s’affronteront, principalement, les candidats du RHDP et ceux de l’opposition. Et c’est là que la donne change dramatiquement pour le régime en place. Dans près de 86 % des circonscriptions, le deux forces principales, le PDCI et EDS (dont fait partie le FPI), ont réussi une « première » dans l’histoire électorale du pays en présentant des candidatures uniques.

Ce qui veut dire, compte tenu du mode de scrutin en vigueur, que l’immense majorité des circonscriptions ne peuvent échapper à l’opposition actuelle qui représente, de très loin, la majorité sociologique du pays. Au soir du 6 mars nous devrions assister à un tsunami en faveur de cette opposition qui porte les espoirs de tout un pays qui vient de vivre dix années de domination sans partage d’un clan prédateur de la richesse nationale.

J’ai bien écrit « devrions » car il reste un dernier obstacle, la « méthodologie » employée par le pouvoir actuel pour truquer et tricher. L’opinion nationale en est bien consciente jusqu’à être, trop souvent, découragée d’avance : « de toutes façons, Ouattara va tricher ! »…

Non, Ouattara ne va pas tricher, il va VOULOIR tricher, ce qui est différent car, cette fois-ci, il va lui falloir beaucoup d’imagination pour arriver à ses fins.

La « méthodologie » de la triche, dans le système Ouattara, est protéiforme et se décompose en trois phases : avant, pendant et après. Il met en jeu une communication mensongère, soutenue par des relais «intéressés», en particulier dans certains milieux politico-médiatiques français, et instrumentalise des groupes d’affidés, plus mercenaires que militants, pour faire planer une menace à la fois physique et psychologique sur une grande partie de la population à l’occasion du vote lui-même.

A l’heure où j’écris ces lignes, le « tir » de barrage médiatique a déjà commencé. Il faut, dans un premier temps, sensibiliser l’opinion internationale. Certains médias « panafricains » ont ouvert le bal. Exemple : dès le 10 février Jeune Afrique titre « Législatives en Côte d’Ivoire : quand le RHDP sort les grands moyens » et développe :

« Alors que l’opposition ira aux législatives du 6 mars en ordre dispersé, Alassane Ouattara mise sur un bataillon de candidats-ministres pour obtenir la majorité absolue à l’Assemblée Nationale. Nul doute qu’il doit être pressé de passer à autre chose (…) Alassane Ouattara voit probablement dans les législatives du 6 mars l’occasion de clore le chapitre d’une séquence électorale tendue qui a suscité nombre de critiques, y compris à l’étranger(…) Impossible de mener à bien son programme sans avoir le mains libres à l’Assemblée Nationale… ».

La manœuvre est théoriquement parfaite. D’abord un gros mensonge pour masquer l’obstacle incontournable de cette élection : « l’opposition ira en ordre dispersé » alors que, et c’est le fait majeur du scrutin, le PDCI et EDS, majorité sociologique indubitable du pays ont réussi une alliance inédite et invincible dans un scrutin libre, juste et transparent.

Ensuite en faisant croire que grâce à « un bataillon de ministres-candidats » il va gagner ces élections législatives, alors que ces hommes-là sont, sans doute, parmi les plus haïs par la population, y compris dans sa frange plutôt favorable au régime en place. Une vidéo récente où un cadre RDR de Divo, un certain Bazo, ex-directeur de campagne d’ADO à la présidentielle, indexe le ministre Amédée Kouakou, est plus dévastatrice que mille discours de l’opposition…

Enfin en voulant rendre évidente une victoire du camp ADO sans laquelle il lui sera « impossible de mener à bien son programme ».

Le décor est dressé et d’autres médias, « experts de l’Afrique » emboitent le pas, allant jusqu’à ratiociner sur le futur gouvernement de Ouattara, faisant, sans vergogne, un trait sur l’hypothèse d’un verdict électoral défavorable au clan présidentiel.

Il faut, ensuite, conditionner l’opinion nationale. Mardi 23 février toute la presse pro-ADO s’est faite l’écho d’une interview donnée par le mauvais génie du système, le dénommé Adama Bictogo dont les méfaits tant financiers que politiques pourraient alimenter un juge d’instruction pendant plusieurs années dans un pays où le mot « justice » aurait encore un sens.

Il fait, bien sûr, les gros titres de la presse « officielle ». La Une du Patriote résume tout : « Le RHDP part avec une avance de 90 députés…nous nous sommes organisés pour gagner » ! La seule explication « plausible » d’une telle suffisance, c’est que le sieur Bictogo, aveuglé par son ascension frauduleuse vers le sommet de l’Etat en Côte d’Ivoire en toute impunité, est devenu un fervent pratiquant de la méthode Coué dont l’un des principes de base se résume ainsi : « Toute idée que nous avons dans l’esprit tend à devenir une réalité dans l’ordre du possible ».

Ce comportement a fonctionné, en se sophistiquant, depuis dix ans. Il a fructifié d’autant plus aisément que, pour des raisons qui en leur temps étaient justifiées, la majorité des Ivoiriens s’était détournée des joutes électorales. Le RHDP n’a pas encore saisi le changement de paradigme et continue à avancer machinalement sur son aire.

Ses propos, marqués du sceau de l’omnipotence sans limites, vont, cette fois-ci, sceller son destin et celui de ses congénères. Tout en le remerciant d’avouer benoitement que le RHDP s’est « réservé » des sièges (même si ce n’est pas 90 c’est tout de même 37) il faut qu’il sache que, désormais, dire qu’ils se sont « organisés pour gagner » est traduit par les Ivoiriens par « organisés pour tricher ».

Cette phase pré-électorale est essentielle dans l’articulation de la mécanique de fraude. Elle doit préparer les esprits, tant à l’international que sur le plan local, que le pouvoir en place maitrise la situation et n’a aucun souci quant à l’issue de la consultation. Il est donc primordial, sinon vital, que la supercherie en voie d’installation soit dénoncée sans attendre.

Les rodomontades d’estrade et de plateaux médiatiques ne suffiront plus pour dicter une « loi du plus fort » qui va s’avérer être un mirage sans consistance. Ensuite vient le temps du vote lui-même. Comme je l’ai déjà dit dans une tribune précédente, le mot d’ordre lors du déroulement du scrutin sera : vigilance !

Le facteur principal pour assurer une vigilance sans faille est la mobilisation des électeurs qui ne doit pas se matérialiser seulement par l’acte de voter mais, également, en suivant et contrôlant tout le processus électoral le 6 mars, dans chaque bureau de vote, jusqu’à l’obtention des véritables PV de résultats SUR PLACE au terme des opérations de dépouillement.

Le RHDP ne doit pas être laissé libre de « sortir » des listes d’électeurs fictifs ou de modifier frauduleusement le contenu des urnes. La détention des vrais résultats de chaque bureau empêchera la CEI d’organiser sa « cuisine » habituelle.

Cependant l’application sur le terrain de ces principes risque de ne pas aller de soi. Elle ne doit laisser aucun espace à la négligence ou aux tentations pécuniaires que le camp Ouattara va faire miroiter aux plus faibles. A cet égard rappelons-nous le conseil que prodiguait à l’époque Laurent Gbagbo quand ses amis venaient lui dire que le pouvoir voulait les « acheter » afin de l’esseuler : « prenez l’argent et dépensez-le ! ».

Enfin viendra la période de proclamation des résultats. La CEI et le Conseil Constitutionnel vont être instrumentalisés par le pouvoir et, là aussi, la vigilance sera le mot d’ordre. On imagine le scenario qu’une certaine presse internationale, celle qui est aujourd’hui à la manœuvre dans la première phase, sera chargée de véhiculer à l’extérieur (et l’on connait bien tous les circuits régulièrement utilisés par Ouattara pour parvenir à ses fins). Mais les Ivoiriens ne doivent plus flancher et se persuader de leur force et de leur bon droit.

Comme ils ont pu observer cette « méthodologie » depuis dix ans, les Ivoiriens vont, et doivent, maintenant se mobiliser pour mettre un terme à ces pratiques qui déshonorent leurs auteurs et violent la conscience de tous ceux qui sont attachés à la démocratie, surtout quand ils se sont battus pour elle et en ont souvent payé le prix.

Toute la Côte d’ivoire  doit avoir en tête l’avertissement de l’écrivain anglais George Orwell : « Un peuple qui élit ses corrompus, des renégats, des imposteurs, des voleurs et des traites n’est pas victime ! Il est complice ».

BERNARD HOUDIN

CONSEILLER DU PRÉSIDENT LAURENT GBAGBO

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